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jeudi 9 décembre 2010

LES DANGERS DE LA NOUVELLE CARTE ÉLECTORALE IVOIRIENNE

Par Eric Kahé
Président de l'Alliance Ivoirienne pour la République et la Démocratie - AIRD.

C’est de Guitrozon, et en compagnie d’amis ivoiriens et non ivoiriens, de différents bords politiques que nous avons eu connaissance des résultats de l’élection présidentielle ivoirienne du 31 Octobre tels que proclamés par la CEI (Commission Electorale Indépendante). La presse du lendemain en a déduit une carte électorale riche en enseignements.

De nos premiers échanges à chaud avec les amis cités plus haut, il ressort des interrogations préoccupantes. Il nous a paru opportun de prolonger ces échanges avec nos amis de la presse afin d’ouvrir un débat post électoral, dans l’espoir d’apaiser nos inquiétudes nées de certaines atteintes à la démocratie qui font planer de sérieux doutes sur la sincérité du scrutin.

Comme à l’accoutumée, nous n’avons pas l’intention de nous présenter en sachant mais en observateur de la vie politique, soucieux de conforter ou de corriger ses appréciations au sortir de cette rencontre amicale avec la presse et quelques compatriotes.

Saisissant cette opportunité, nous voudrions remercier les Ivoiriens pour la grande leçon de paix donnée au monde à l’occasion de cette élection, allant jusqu’à nous gratifier d’une participation historique saluée dans le monde entier.

Ces remerciements s’étendent à l’ensemble des amis de la CIV qui nous ont accompagnés tout au long de ce long processus avec une mention particulière au Président Blaise COMPAORE, facilitateur de l’APO.

Notre reconnaissance émue et nos vives félicitations au Président Laurent Gbagbo pour avoir placé l’unité nationale et le nécessaire rassemblement des Ivoiriens et de tous ceux de nos frères vivant en CIV au dessus de toute autre considération. Que Dieu récompense son humilité qui l’a conduit à vivre avec dignité toutes les humiliations imposées.

Merci au peuple reconnaissant de CIV pour la confiance accordée au candidat Laurent GBAGBO en lui réservant majoritairement ses suffrages. Tous nos encouragements à tous les militants et sympathisants de la Majorité Présidentielle qui n’ont ménagé aucun effort pour que triomphent les valeurs sur le terrorisme politique.

Sur la base exclusive des faits, nos interrogations peuvent paraître quelque peu dures par endroits mais elles n’en demeurent pas moins fondées sur la seule recherche de la vérité. Nos critiques portent sur des systèmes et non sur des questions de personnes.

La carte électorale dégage deux grands blocs (malheureusement géographiques) entre lesquels s’interposent deux îles PDCI constituées respectivement de deux régions contigües (Lacs et N’zi Comoé) et de la région du Bas-Sassandra.

De la forme d’un ballon de Rugby (Marcoussis quand tu nous tiens !) le 1er bloc de 5 régions se situe au Nord et a été gagné par le RDR de Monsieur Alassane Ouattara. Sa population électorale est de 921.765 électeurs. Elle s’étend exclusivement sur la zone dite CNO composée des départements sous contrôle de l’ex-rébellion.

Le second bloc de 12 régions se présente comme un "L" renversé qui traverse toute la CIV du Nord au Sud et d’Est en Ouest. Ce sont les régions gagnées par La Majorité Présidentielle (LMP) de Laurent Gbagbo. Ce bloc intègre la région des Lagunes ( 1.944.482 électeurs, soit un tiers de la population électorale) dont le grand Abidjan. Elle comprend aussi bien des régions CNO que des régions du Centre, du Sud, de l’Ouest et de l’Est.

Au Sud de chacune de ces deux régions se trouve la part de "butin" du PDCI du Président BEDIE.

A l’analyse, l’on est tout de suite frappé par un constat : la totalité des régions favorables au RDR sont, sans exception, sous contrôle de l’ex-rébellion. Les scores régionaux (nous disons bien régionaux et non dans quelques bureaux de vote) obtenus par le candidat du RDR dans ces régions atteignent un pic de 93.42% avec une moyenne de 85%, ce que ne réalise aucun autre candidat nulle part ailleurs. Ces scores rappellent ainsi l’ancienne époque soviétique ou celle des partis uniques africains ou des républiques bananières. Le candidat Alassane Ouattara ne gagne donc que dans les zones contrôlées et administrées par des commandants de zone (Com’Zones). Non seulement elles sont dirigées par l’ex( ?) rébellion qui n’a ni désarmé, ni concédé aux Préfets la moindre autorité, mais ces zones ont la particularité d’être alimentées en information par des radios pirates aux ordres du RDR et qui assurent à son mentor une propagande exclusive depuis plus de 8 ans. Malgré les accords de Ouagadougou qui prévoient la cessation de leurs activités au profit de la radio et de la télévision nationales, la situation n’a guère évolué. Il apparaît donc évident une grave atteinte au droit à l’information au profit de la propagande et pose la cruciale question de l’équité et de l’équilibre. Sans compter les conditions dans lesquelles a été réalisé l’enrôlement en zones dites CNO.

Les Forces Nouvelles (FN) n’ayant pas désarmé, les populations n’ont-elles pas voté avec la peur de représailles pour le village qui ne voterait pas majoritairement l’allié de l’ex-rébellion ? Peut-on parler dans ces conditions de sincérité du scrutin ? Les résultats du Nord, en faveur du candidat Ouattara sont choquants pour la démocratie et l’unité nationale et ils rappellent ces films Western dans lesquels le brave fermier est obligé de vendre "légalement" ses terres pour ne pas avoir à subir les représailles du chef bandit si ce n’est du chef rebelle. L’on comprend maintenant pourquoi l’on tenait tant à des élections sans désarmement.

Comment un cadre africain, sous des dehors affables, réputé formé dans les universités américaines, c’est-à-dire au cœur des valeurs démocratiques, peut-il s’adosser à des systèmes de prise en otage permanente des populations ou des gouvernements pour parvenir à des fins de pouvoir ?

Nous sommes nombreux à nous interroger sur l’impact ou même la présence effective des observateurs au Nord. Comment interpréter les recommandations de la mission d’observation de l’Union Européenne relatives à la liste électorale ?

Une étude comparative des résultats des pays limitrophes de la CIV avec ceux des zones CNO (Voir tableau réalisé à partir d’un postulat scientifiquement et statistiquement défendable) montre bien que le candidat Ouattara ne peut prétendre à plus de 48% des suffrages exprimés au Nord dans des conditions normales. Alors que le contexte sociologique et politique dans les pays voisins est plus que comparable à celui du Nord de la CIV, comment expliquer les 90% en zone sous contrôle des Com’zones quand, dans les pays voisins, Ouattara ne gagne que par 48% ? La réponse se trouve dans les conditions du vote. A l’étranger, l’on vote dans des lieux sécurisés (Ambassade, consulats), sans risque de représailles. En zone CNO le vote était-il libre ?

Cette étude scientifique conduit à un correctif des résultats officiels d’au moins 175.000 voix (à retrancher des voix de Mr Ouattara) si le scrutin avait été sincère, soit un score maximum de 28% pour Monsieur Ouattara dans le cadre d’un scrutin régulier. Un tel score, sorti d’une correction statistique fiable est comme par hasard très proche des sondages jusque là réalisés.

Sans conduire à une contestation systématique des résultats du 1er tour, cette étude permet à la Majorité Présidentielle d’envisager d’ores et déjà les dispositions idoines pour un second tour non terrorisant pour les électeurs.

Pour un second tour incontestable, l’urgence commande des mesures correctives.
Après avoir été exceptionnellement candidat au prix de la paix, Ouattara ne peut-il donc gagner qu’au moyen de la force ou de l’intimidation ? Peu avant la proclamation des résultats, le Corps Diplomatique n’est-il pas allé "manifester (à Ouattara) son inquiétude en ce qui concerne la proclamation des résultats" ? Constitue-t-il donc une menace permanente pour la paix sociale ? Les ambassadeurs de Suisse, du Canada, de la France, de la Grande Bretagne, des Etats-Unis, du Japon, de la Chine, de l’Allemagne et le Nonce apostolique avaient-ils eu vent d’une disposition belliqueuse de ses troupes ?

La carte électorale dans son ossature actuelle porte les germes d’une dangereuse exclusion et le slogan "Vivre ensemble " du RDR apparaît comme un leurre, une démagogie et une hypocrisie pour s’attirer la sympathie du monde occidental. En 8 ans de discours et d’accès exclusif aux populations du Nord, le RDR a réussi à faire de ces populations des conspirateurs contre le reste du pays. Loin d’être un sujet de domination démocratique, ces scores donnent l’impression du rejet des autres sur fond d’intolérance et de volonté de vengeance. Mais se venger de qui ou de quoi ? Du refus d’une candidature à problème ?

Ces pratiques ont largement desservi le PDCI qui s’est mis au service du RDR au point d’en devenir la remorque au détriment de sa propre personnalité de parti de paix et de rassemblement habité par la sagesse. Le PDCI apparaît comme la victime du "tous pour un, et un pour lui seul" qui semble prévaloir dans la stratégie du RDR, prêt à toute alliance, pourvu qu’elle donne à son mentor les moyens d’avancer : candidature exceptionnelle à la présidentielle, refus de la candidature unique qui serait naturellement allée à BEDIE, messages sous terrains pour éteindre ses alliés, etc.

Les militants du PDCI savent désormais à quoi s’en tenir s’ils ne veulent pas voir leur parti disparaître pour de bon. Une éventuelle arrivée du RDR au pouvoir serait plus préjudiciable au PDCI que le maintien du président Gbagbo. Ils se savent dans une amitié du cheval et du cavalier. En effet, alors qu’il fait des scores plus qu’honorables dans les bastions traditionnels du PDCI, quel discours a pu bien distiller le RDR pour que le président BEDIE se ridiculise au Nord ?

Organisée dans des conditions de favoritisme au profit d’un candidat, cette élection vient mettre fin au "Marcoussisme" qui a donné à des personnalités politiques des pouvoirs sans aucune légitimité et qu’ils n’ont donc pas su assumer avec sagesse. Comment ne pas pousser un ouf de soulagement quand des personnes qui décidaient pour le pays et qui ont fonctionné dans l’intégrisme et la surenchère en sont réduites à moins de 0,1% du verdict populaire, loin derrière des candidats indépendants ?

Avec ses victoires en zones CNO - dans le Zanzan et les 18 Montagnes et à un degré moindre dans le Haut Sassandra et la Marahoué (deux régions partiellement "occupées")- Laurent Gbagbo donne à espérer de l’unité nationale et de la réconciliation. En gagnant la bataille d’Abidjan, il confirme son charisme et son esprit de rassembleur tandis que sa majorité au premier tour fera taire à jamais ceux qui ont bâti sa diabolisation sur le mensonge le présentant comme minoritaire.

Au regard de tout ce qui précède, nous savons tous désormais que la paix durable en CIV passe par l’élection de Laurent GBAGBO, tant les risques de toute autre alternative sont grands car aventureuse.

Le président BEDIE que nous avons eu l’immense honneur de rencontrer, à notre demande, lors de son passage à DUEKOUE, reste désormais la clef de voûte de la paix en CIV. Nous gardons de cette audience le souvenir d’un grand homme d’état, soucieux du devenir de son pays. L’Histoire regarde le descendant de la reine ABLA POKOU et jugera sa capacité au sacrifice pour sauver son peuple.

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