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jeudi 24 février 2011

Des diplomates accablent Sarkozy

Dans une tribune publiée dans Le Monde mardi, un groupe de diplomates français tire à boulets rouges sur la politique étrangère de Nicolas Sarkozy. "Amateurisme , "impulsivité", "préoccupations médiatiques à court terme, la charge contre le chef de l'Etat est extrêmement sévère.

Nicolas Sarkozy, l'arrogant, qui fait tomber la France

Le réquisitoire est impitoyable. Mardi, Le Monde a publié une tribune rédigée par "un groupe de diplomates français de génération différentes, certains actifs, d'autres à la retraite, et d'obédiences politiques variées", dans laquelle la politique étrangère de Nicolas Sarkozy est rigoureusement mis en pièces. Ce groupe, baptisé "Marly", du nom du café du Louvre où ses membres se sont retrouvés la première fois, affiche la couleur d'entrée. "Quand les évènements sont contrariants pour les mises en scène présidentielle les corps d'Etat sont alors désignés comme responsables", explique l'aréopage, ulcéré, notamment par l'attitude du chef de l'Etat au moment de la crise tunisienne.

Une véritable "manipulation", précise à l'agence Reuters l'un des membres du groupe, qui accuse la présidence de la République d'avoir volontairement tronqué un télégramme de l'ambassadeur de France en Tunisie au moment de la révolte populaire, Pierre Ménart - depuis remplacé par le sulfureux Boris Boillon – afin de se dédouaner de toute erreur d'appréciation de la situation. En l'espèce, l'Elysée a fait "fuiter" les informations selon lesquelles Ben Ali était en mesure de conserver le pouvoir, oubliant de préciser que le diplomate, dans le même message, faisait de la fuite rapide du dictateur une hypothèse crédible.

"La voix de la France a disparu dans le monde"

La question tunisienne n'a toutefois été que la goutte de trop dans un vase qui, à la lecture du texte des hommes du Quai d'Orsay, n'a cessé de se remplir depuis 2007. Sur bien des cases de l'échiquier mondial: "L'Europe est impuissante, l'Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore", assènent les procureurs de la politique étrangère de Nicolas Sarkozy, pour qui le constat est aussi claire qu'accablant: "La voix de la France a disparu dans le monde."

La raison profonde de cet enlisement? "Notre politique étrangère est placée sous le signe de l'improvisation et d'impulsions successives qui s'expliquent souvent par des considérations de politique intérieure", affirme le texte dans ce qui est devenu, au fil du temps, une critique récurrente et profonde du sarkozysme sur d'autres thématiques. "Or, à l'écoute des diplomates, certifient les auteurs de la tribune, bien des erreurs auraient pu être évitées, imputables à l'amateurisme, à l'impulsivité et aux préoccupations médiatiques à court terme." Dans leur viseur, pêle-mêle: une Union pour la Méditerranée "sinistrée, une politique au Moyen-Orient "devenue illisible" ou encore une tension avec le Mexique dans l'affaire Cassez résultant de "l'exposition publique d'un dossier qui (…) devait être traité dans la discrétion". Sans compter sur "nos avions Rafale et notre industrie nucléaire" qui, "loin des triomphes annoncés, restent sur l'étagère".

"Nous sommes à l'heure où des préfets se piquent de diplomatie, déplore encore le groupe Marly, où les "plumes" conçoivent de grands desseins, où les réseaux représentants des intérêts privés et les visiteurs du soir sont omniprésents et écoutés". A l'heure, également, où la diplomatie française connait un sérieux trou d'air dans l'opinion, plombée, notamment par l'affaire des vacances tunisiennes de Michèle Alliot-Marie. "Sarkozy, le crash diplomaque", titrait lundi le quotidien Libération, imputant en grande partie la dégringolade du chef de l'État dans les sondages (*) aux différents "couacs" et autres atermoiements de la diplomatie française depuis plusieurs semaines. Des chiffres calamiteux qui, à l'heure où la France accueille le gratin international dans le cadre du G8 et du G20, ne pouvaient pas plus mal tomber pour le résident de l'Elysée.


(*) Selon un sondage Viavoice pour Libération publié dimanche, Nicolas Sarkozy recueille 30% d'opinions positives (contre 6% de mécontents), soit une baisse de quatre points en un mois. Il s'agit de son "plus mauvais score depuis son accession au pouvoir en 2007", relève l'institut.

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