Symphonies nègres
Comme un qui voudrait recouvrer Sa liberté,
Plutôt que de périr dans la prison nouvelle
Je me joins à vous, sevré de ma puberté
Passés quatre cents ans d'imposture mortelle !
Plutôt que de me plaire ad vitam aeternam
A porter le masque abstrait, je me joins à vous,
Ô poètes conscients. Je déserte Panam
Comme un enfant distrait, je viens sans rendez-vous.
C'était du temps où Aimé Césaire, le Maître,
Loin des pestilences, arpentait le Voyage.
Je me souviens, unis, pour saluer l'ancêtre,
Nous avions la négritude pour partage.
Après avoir longtemps cultiver la chienlit
En proie au désespoir, me voilà maintenant,
Entre deux doux rêves, le cœur tout embelli.
Je vous revois encor, le verbe pertinent.
Dieu sait les écueils qui ont jonché le chemin
Je pense à vous, poètes de la négritude,
Ma joie est de porter l'héritage demain
Dignement avec vous, telle est ma certitude.
La France joue à fausser mon identité
Hier nègre aujourd'hui black, je devrais me soumettre
Ne plus être un homme ? Laisser ma dignité
Renier mes valeurs, ma grande histoire omettre ?
Salut ! Maîtres au repos d'un labeur visible !
Empreintes sur le ventre du monde endormi
Salut, nobles Pères ! Oui le nègre sensible
A votre grand œuvre vous est plutôt soumis.
Je suis d'un cœur fringant le devoir de mémoire
Je me plais à boire votre obstination
Le legs éternel Ah ! La glorieuse Histoire
Gonfle ma foi et ma détermination.
Je voudrais maintenant de vous forger le Bien
Heureux comme un enfant appeler votre grâce
Ô pères de la négritude, et sur ce rien
Que je ne possède faites-moi une place.
Damas, Senghor, Césaire, pères fondateurs
Bandez mon bras au combat de la négritude,
Pour des jours inspirés que je sois le porteur
D'eau. Aux cœurs altérés, force et sollicitude !
Je saurai être la bouche des voix sans voix
Le médiateur entre l'Hier et l'Aujourd'hui,
Le victimaire de l'œuvre et sur cette voie
Cent fois, j'ai dit : Damas Senghor et Césaire, oui
Je serai l'obstiné, l'entier dépositaire
Au-delà des mensonges savamment construits
Vienne l’heure pendant que mon rappeur austère
Dénonce, révolté, l'injustice et l'ennui,
Je serai fidèle, la juste Cause nôtre
Le canal indéfectible du grand discours
Apporteurs de soleil, je suis désormais vôtre,
Vienne l'heure, prélude d'un réel concours.
Que mon rêve...enfin mon destin se réalise
Aux symphonies nègres. Que je sois sacrifice
De l'héritage vrai, et ma main concrétise
A la foi nubienne l'éternel édifice.
Ainsi apte au serment, paré pour la mémoire
Marchant sur les traces des Maîtres sans clivage
Je saisisse encor plus les lois de mon prétoire
Je préserve le legs dont je suis bien l'image.
Pour vous, pharaons, esclaves, nègres marrons
Colonisés et tirailleurs sénégalais,
Loin des convenances, fermes, nous convierons
Les générations futures au relais
Bissionel, Coudray, Diacko,Illemay,
Moucle, Ozoua, Pagesy, Houria, Nègres
Et Négresses poètes conscients, désormais,
Je vous sais résolus, je vous crois tous intègres
Afriques dispersées, Afriques pourtant une
Martinique, Guadeloupe, Côte d'Ivoire
Comores, Sénégal, Madagascar Guyane
Poètes debout, comment en vous ne pas croire ?
L'obligation de mes luttes engagées
Et puis dans cette France où le mépris dénude
La bassesse excelle les laideurs arrangées.
Je suis moi-même fort de mon indépendance
Délaissant mes doutes au pied du Mont Pelé
Maintenant debout, sans colère ni vengeance
Au pied du Mont Nimba, je suis votre Appelé.
J'ai dit : que faire de ces siècles de mensonges ?
Dois-je encor démontrer ma contribution ?
Je dis non à ce penchant animal qui ronge.
Je vous offre mon seul bien, mon adhésion
Ô Nègre Fondamental, ô Nègre debout
Ô Nègre tirailleur, ô Nègre de Guyane
Ô nègres dispersés, ô nègres de partout
Ô ma Négritude mon très cher patrimoine.
Pascal Bonin
in "Tropicales", 2010, Ébène Editions.
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