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« Chaque génération découvre sa mission, elle la trahit ou l'assume »

Frantz Fanon « Les damnés de la terre »

samedi 12 février 2011

Rassemblement National Démocratique : déclaration à l’occasion de Caytu 24


Au lendemain du cinquantenaire des “Indépendances africaines”, tout se passe comme si la plupart des dirigeants des Etats du continent, aveuglés par les délices et les poisons du pouvoir personnel et sourds aux aspirations pressantes de leurs concitoyens, persistent dans l’erreur de la répression et de la corruption à l’intérieur, de la servilité et de la soumission à l’extérieur. A l’opposé, les peuples africains semblent avoir tiré les bonnes leçons d’un demi-siècle de souveraineté limitée par la tutelle étrangère, de démocratie dévoyée par des potentats fantoches, d’unité de façade cachant mal les manœuvres de division ethno-raciales, confessionnelles ou micro nationales.

La situation du Sénégal d’aujourd’hui offre une illustration caricaturale de cette coupure radicale entre les prétendues élites et la masse des simples gens. Si la faillite du régime dit “libéral” est évidente dans tous les secteurs de la vie nationale, elle apparaît particulièrement lourde de menaces dans deux domaines essentiels: la violation de la Constitution et l’insécurité en Casamance. Pris au piège d’une loi fondamentale taillée sur mesure et maintes fois révisée selon son bon vouloir, le Président Wade a décidé de la fouler au pied en déclarant formellement une candidature anticonstitutionnelle à un troisième mandat. Pareille forfaiture ne saurait prospérer en république, car elle ouvrirait la voie à l’arbitraire et donc à la violence. De même, sa gestion catastrophique du conflit avec le Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC) a provoqué la détérioration d’une situation de “ni guerre ni paix” en une guerre ouverte avec combats à l’arme lourde et nombreuses pertes tant civiles que militaires. A tel point qu’aux proclamations triomphalistes des rebelles réitérant leur revendication insensée de sécession, le Chef de l’Etat ne répond que par un silence embarrassé mais éloquent, qui vaut à la fois constat d’échec et aveu d’impuissance…

Aussi le RND saisit-il l’occasion pour réaffirmer solennellement que la soi-disant ”indépendance” de la Casamance n’est pas négociable, dans la mesure où l’avenir du Sénégal comme de l’Afrique dans son ensemble passe par l’unité et non par une fragmentation pire que celle de la conférence impériale de Berlin au 19ème siècle. L’urgence étant au remembrement de l’Afrique plutôt qu’à son démembrement, la résolution définitive du conflit casamançais suppose certes un cessez-le-feu d’abord, permettant à l’armée de rétablir la sécurité des personnes et des biens dans la région sud, mais l’éradication du cancer séparatiste implique surtout l’unification organique des Etats de la sous-région ouest-africaine, à commencer par la Sénégambie, les Guinée et le Cap-Vert. Cheikh Anta Diop avait raison de répéter que “la sécurité précède le développement”, ajoutant que “l’intégration politique précède l’intégration économique”. De toute évidence, seul un Etat fédéral démocratique sera capable de garantir une paix civile et sociale durable, en mettant fin à l’enclavement des zones reculées ainsi qu’à la prolifération de trafics en tous genres !

A l’échelle continentale, l’impasse politique persistante en Côte d’Ivoire n’est que la dernière en date d’une longue série de crises postélectorales plus ou moins sanglantes, après Madagascar, le Zimbabwe, le Kenya, le Gabon ou le Togo, entre autres…Partout, la clé de la sortie de crise réside dans le refus de la violence et de l’ingérence extra-africaine d’une part, le respect strict des règles du jeu démocratique définies par consensus, d’autre part. L’Afrique ne gagnerait-elle pas à mutualiser les énormes ressources consacrées à ces élections contestées, sous la supervision et le contrôle d’un organisme unique, placé sous l’autorité de la Commission de l’Union Africaine ?

Cependant, l’évolution actuelle de notre continent dans son ensemble permet tous les espoirs, étant donné que le réveil de la conscience patriotique et démocratique des peuples africains s’accompagne d’un raffermissement de leur volonté unitaire et amorce une nouvelle étape de leur longue marche vers la liberté et la justice, dans la paix, la vérité et la réconciliation pour toute l’Afrique, du Caire au Cap et de Praïa à Antananarivo. Même si, à l’échelle globale, les Etats mus par la volonté de puissance et le culte du profit et de l’argent facile n’ont nullement renoncé à leurs ambitions hégémoniques, se bornant à substituer « l’islamisme » au « communisme »  comme alibi justifiant tous les abus.

Cette 24ème édition de l’hommage annuel que le Parti rend à son fondateur Cheikh Anta Diop, en mausolée de Caytu, coïncide avec l’ouverture à Dakar du Forum Social Mondial, qui symbolise et rassemble à la fois les forces vives et les espoirs d’un monde meilleur pour tous. Nous saluons nos hôtes venus de partout et leur souhaitons la bienvenue en terre africaine. En la circonstance, message ne pouvait être plus approprié que celui lancé par le martyre Mohamed Bouazizi, en décembre 2010 à Sidi Bouzid. Cette étincelle, à l’image du sacrifice d’Hector Petersen à Soweto en juin 1976 pour l’Afrique du Sud, a embrasé le Maghreb puis le Machrek, avant de se répandre à travers notre continent via le Soudan. Ces révoltes en série, qui virent à la révolution, attestent encore une fois de la puissance et de l’efficacité de l’action démocratique de masse non violente, mais ferme et résolue, lorsqu’elle est mise service de l’intérêt général. Quelle qu’ en soit l’issue, le RND renouvelle son engagement à se tenir sans réserve aux côtés des peuples africains et du reste du monde, dans le combat solidaire contre les prédateurs d’Occident et d’Orient et leurs serviteurs du Sud comme du Nord, dont les dévastations menacent la survie des hommes autant que la pérennité de l’écosystème planétaire.

A l’échelle locale, notre Parti réaffirme sa détermination à contribuer au renversement pacifique des usurpateurs du clan familial Wade, dans le cadre d’une large coalition de transition pour le salut public, conformément aux conclusions des Assises nationales. En tout état de cause, selon le RND, la rupture tant attendue par nos compatriotes ne saurait déboucher ni sur une continuité pseudo libérale, ni sur une restauration pseudo socialiste. Notre avenir est entre nos propres mains et ne dépend donc que de nous-mêmes! « Les grands ne nous paraissent grands que parce que nous sommes à genoux : levons-nous ! »
Ku bëreey dàan ! Caytu, le 6 février 2011
Pour le Secrétariat exécutif
Le Secrétaire général
Dialo Diop

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